L’automne de la colère

« En réalité, il n’y a pas de « sans-voix ». Il n’y a que des êtres qu’on fait taire ou qu’on préfère ne pas entendre » (Arundhati Roy).

Péché capital, féminine évidemment, la colère a mauvaise presse. Individuelle, cette « vive émotion de l’âme se traduisant par une violente réaction physique et psychique » (cnrtl) serait le vilain trait de caractère de celles et ceux qui donnent libre cours à leur courroux, ces colériques et coléreux.ses sommé.e.s de se maîtriser. Collective, elle devrait s’interdire de déborder, rester dans les clous, s’apaiser et se policer, sous peine d’être disqualifiée. Voilà qui évacue opportunément les injustices qui déclenchent nos colères, et permet à bon compte de les ignorer ou de les réprimer.

Sortir de ces pièges, accueillir sans l’expurger la violence inhérente à nos fureurs tout en les rendant partageables et entendables par autrui, au-delà peut-être du défoulement ou du ressentiment, n’est-ce pas l’un des pouvoirs de la littérature ? Des injustices et des colères niées, la littérature fait feu, les muant en récit pour mille et une raisons : on peut dire ou écrire la sienne ou celle des autres pour (s)’entendre, (se) libérer, (se) réparer ; témoigner, alerter, dénoncer ; s’allier, fomenter, riposter… Le récit en retour propage la colère.

Cet automne, un vent de fureur traverse la Maison du Livre : prose, poésie, slam, cri, sketch, lecture, chanson, collage, photographie… Les mots et les images sous toutes leurs formes cogneront et ricocheront en nos murs. Lecture musicale ou écoute de podcast, rencontre ou atelier, scène ouverte, il y en aura pour toutes les sensibilités. À vos colères !