Géographies des marges
Quelles régions, quels espaces, quels domaines reste-il encore à explorer dans un monde mondialisé et hyperconnecté, cartographié par des satellites et quadrillé par des algorithmes ? Toute destination lointaine se trouve à portée de vol low cost et deep carbon. Toute inconnue se dit à portée de clic, toute sensation à portée d’un peu de fric.
Dès lors que le lointain n’a plus de mystère et que s’y rendre détériore la nature et les cultures, peut-être serait-ce davantage les confins et les marges que nous aurions à explorer, à scruter pour découvrir de l’inconnu, de l’inédit, du merveilleux. Peut-être serait-ce l’environnement proche ou caché et le paysage éditorial ou intérieur que nous aurions à parcourir de regards nouveaux, minoritaires, déformatés pour apercevoir des lueurs insoupçonnées. Peut-être serait-ce nos territoires que nous aurions à arpenter à petits pas de marche ou au fil de l’eau afin de recueillir des informations ethnographiques, anticipatrices ou poétiques, surprenantes et mobilisantes. Peut-être est-ce le dessous des cartes et les géographies souterraines que nous aurions à sonder pour entrevoir des issues aux impasses de ce monde sous surveillance globale. Ce monde qui donne envie de prendre congé mais qu’il s’agit moins de fuir que de transformer ou de transfigurer.
Face à un futur bouché – au bord de l’extinction ou de l’explosion –, dans un présent instantané et saturé par la gestion des urgences à court terme, peut-être pourrions-nous inventer des machines poétiques à explorer le temps et des moyens de transport exaltants. Peut-être est-ce un autre temps, un autre rapport au temps, qu’il nous faut explorer pour ouvrir des perspectives désirables, enchanter des mouvements et les rendre réalisables.
En 2020 – 2021, la Maison du Livre conviait à l’extension du domaine des luttes et des imaginaires. En 2021 – 2022, elle cherchait à habiter demain à travers des esquisses de futurs désirables. Cette envie et ce besoin se poursuivront en 2024 – 2025 d’un pas plus léger, d’une touche plus sensible et fantaisiste à dessein de se balader en-deçà des confins raisonnés et au-delà des cercles de convaincus. En quête de la beauté et du merveilleux, la nouvelle saison invite à explorer les lieux où nous nous situons, à cartographier ce qui échappe ou résiste aux satellites et à l’accélération, à découvrir ce qui inaugure des aventures fantastiques, à savourer ou inventer ce qui fait voyager vers un avenir enviable.